« Nope », de Jordan Peele : hommage ludique et pop aux grandes images de cinéma

Très marquée par la richesse de Nope, que j’ai vu il y a tout juste une semaine, je ne pouvais résister au désir de vous livrer quelques-unes de mes impressions sur ce grand film de divertissement, qui est aussi, comme les autres films de Jordan Peele, hautement symbolique, et qui cherche à donner un point de vue fort sur la société américaine.
Je ne vous proposerai pas forcément ce qu’on pourrait appeler précisément une interprétation, sur le film dans son ensemble ou sur la fameuse scène de « Gordy’s Birthday », parce que vous en trouverez d’autres, intéressantes et en nombre, sur internet, et que cela ne servirait à rien de répéter moins intelligemment ce qui a déjà été écrit à de maintes reprises ailleurs. Je me contenterai plutôt d’avancer quelques observations, quelques repérages ou liens à effectuer lors du visionnage du film, qui m’ont semblé riches de sens pour sa compréhension.
Évidemment, comme toujours, c’est un regard personnel, sous-tendu par ma propre culture et mes propres goûts cinématographiques, qui appellera sans doute à être complété, peut-être même débattu, ce que je vous invite à faire en commentaires, en repartages, etc.

Avant tout, Nope est un clairement un hommage à l’histoire et à la variété du cinéma. Tout en gardant une identité personnelle très forte et en créant un film qui lui est propre, sans jamais tomber dans le pastiche, mais plutôt en s’amusant de son propre éclectisme, Jordan Peele parsème sa dernière création de références, visuelles ou musicales, nombreuses.
En premier lieu, le petit film de présentation de l’entreprise de dressage de chevaux Haywood, dont OJ et Emerald sont les héritiers, fait référence aux débuts de l’histoire du cinéma, avec, en juin 1878, la capture par Eadweard Muybridge du mouvement d’un cheval au galop, décomposé image par image. On peut aussi penser aux travaux du français Etienne-Jules Marey sur ce même thème, et à l’étape essentielle que cela a constitué dans le perfectionnement du cinématographe par les frères Lumière dans les dernières années du XIXe siècle.
Dans Nope, les frère et sœur Haywood nous offrent un autre regard sur cette image fondatrice de l’histoire du cinéma, en attirant notre regard sur l’identité noire du cavalier qui monte le cheval filmé, jusqu’alors complètement ignorée, et soulignant ainsi leur propre héritage dans le monde du cinéma. On pourrait presque même y voir un symbole de leur légitimité en tant que personnages principaux et un avant-goût de leur victoire finale.

La décomposition des images prises par Eadweard Muybridge : le cavalier noir sur le cheval au galop

En effet, alors qu’ils étaient méprisés, moqués, relégués à une position subalterne puis carrément renvoyés par l’équipe dirigeante des plateaux de tournage hollywoodiens dans lesquels ils devaient évoluer — complètement à contrecœur pour OJ — au début du film, ce seront finalement eux qui sortiront vainqueurs : non seulement il échapperont à la créature aliène qui s’attaque aux humains et aux animaux, mais ils parviendront aussi à s’extraire de l’engrenage ambition-célébrité-déchéance-oubli qui s’abat sur tous ceux qui rêvent de leur quart d’heure de gloire à l’américaine, et sont toujours, finalement, « broyés », « digérés » puis rejetés par le monde du spectacle. C’est le cas de Ricky « Jupe » Park, de son ancienne co-star défigurée ou du journaliste à sensations de TMZ par exemple. De la même manière, la créature dévore impitoyablement les spectateurs abrutis ou les vedettes passées et dépassées du show-business dans la scène du parc « Jupiter’s Claim ». Nous reviendrons dans une deuxième partie sur ce dernier point.
Nos héros, cependant, totalement extérieurs à cet univers de gloriole et de paillettes, et privés d’une célébrité parfois rêvée — en ce qui concerne Emerald — ont en réalité, à travers leur ancêtre, un lien plus profond et authentique avec le « vrai » cinéma, son histoire, ses oeuvres, et non pas avec le star-system factice qui en a découlé. C’est d’ailleurs une trouvaille intelligente de Jordan Peele que de les faire survivre et leur faire réussir leur projet de capturer des images de l’alien grâce à un attirail de cinéma « à l’ancienne », avec bobines et manivelles. Le personnage du puriste passionné Antlers Holst, un temps acclamé par la critique avant de devoir vendre son talent aux publicistes, mais fidèle à un attachement réel aux images de  cinéma, et qui leur vient en aide dans leur quête jusqu’à se sacrifier pour des captures dignes d’un vrai film, pour « le plan impossible », vient consacrer la légitimité des Haywood.
Premier élément, donc, et non des moindres, mettant l’accent sur la volonté de Peele de faire du cinéma qui parle de cinéma, bien plus que dans ses films précédents.

Plan d’ensemble lors de la traque finale
Plan d’ensemble : l’entrée du parc à thème « Jupiter’s Claim »

Au-delà de l’utilisation d’éléments liés à l’histoire de la naissance du cinéma, les références à des films ou réalisateurs cultes sont nombreuses.
On pourra notamment s’amuser de l’évidence presque grossière avec laquelle Jordan Peele prend plaisir à subvertir certains codes du western, en utilisant de façon nettement ironique une musique façon films de Sergio Leone à certains moments du début de Nope, en faisant incarner son héros par un acteur à l’opposé total d’un Clint Eastwood ou autres figures de mâle blanc dominant, ou encore en installant un nombre non négligeable de scènes de son film dans un parc d’attractions à la gloire de cette culture du western, musiques, décors et costumes premier degré inclus. Dans les scènes finales, les plans d’ensemble aériens dans lesquels OJ galope entre les collines, en tentant d’appâter la créature à ses trousses, peuvent également constituer un clin d’œil à ces grands classiques, qu’il détourne immédiatement et sans vergogne en parsemant le chemin du héros de figures gonflables multicolores et grotesques. Le personnage d’Antlers Holst, point de référence en matière de culture cinématographique, se réjouira alors de la « délicieuse stupidité » (ou quelque chose dans ce genre, pardon, j’ai oublié la réplique précise) de leur mise en scène. Ce jeu de retournement grotesque culmine dans la scène finale, au moment où, dans le parc « Jupiter’s Claim », Emerald détache une version « cartoon », gonflée à l’hélium, du héros de western, bêtement souriant dans une posture avenante, pour le faire exploser à l’intérieur de la créature volante et ainsi en venir à bout.
Parmi eux, Alfred Hitchcock et Steven Spielberg, à mes yeux, arrivent en première ligne, de façon assez évidente.

Gros plan sur le cheval volé par Emerald
A l’arrière-plan, les animaux empaillés

Certaines images, comme le plan rapproché sur le cheval de bois avec le paysage à l’arrière-plan, peuvent évoquer la manière de filmer de Hitchcock, qui aimait à cadrer des gros plans sur certains objets afin de faire croître la tension d’une scène. On pense par exemple aux oiseaux empaillés qui installent une atmosphère menaçante dans le lobby de l’hôtel de Norman Bates, dans Psychose, lorsque Sam Loomis et Lila arrivent pour enquêter sur la disparition de Marion Crane. De très nombreux autres gros ou très gros plans parsèment les films de Hitchcock pour orienter le regard ou l’intelligence du spectateur, construire le suspense, ou encore mettre la lumière sur un objet qui viendra à jouer un rôle dans l’intrigue. Ce sera d’ailleurs le cas du cheval de bois que la créature volante ingèrera sans pouvoir la digérer, ce qui provoquera le déchaînement de sa fureur.

Le manoir Bates dans « Psychose »
La maison des Haywood

Un autre marqueur visuel très évocateur des films de Hitchcock, sans doute le plus frappant, dans Nope, est bien sûr la maison de la famille Haywood, qui se détache, solitaire, dans l’immensité des vallons arides, souvent de nuit. On ne peut pas ne pas faire le rapprochement avec le manoir Bates dans Psychose, bien sûr, qui Cette imagerie revient fréquemment chez Hitchcock, où la demeure qui accueille les événements mystérieux devient presque un personnage et se pare d’une nouvelle aura d’étrangeté. Ce n’est pas nécessairement le cas dans le film de Jordan Peele, mais la ressemblance est frappante et la manière de filmer le ranch crée également cette atmosphère inquiétante. Il serait d’ailleurs bon de remarquer que cette disposition de la maison isolée en plein désert rural, qu’elle soit celle des protagonistes ou survienne à un moment plus avancé de l’histoire, est devenu un topos, un motif attendu du genre horrifique. Par son éloignement même de toute vie sociale ordinaire, elle enclot les personnages dans une zone où ils ne peuvent faire appel à aucune aide extérieure, comptant ainsi parmi les rouages presque nécessaires à la construction de l’angoisse. Au début, Jordan Peele semble déjouer ce ressort avec l’installation du système de surveillance monitoré par Angel à distance, pour finalement mieux y replonger le spectateur grâce au « pouvoir » de la créature d’absorber les énergies artificielles, les privant ainsi d’un monitoring fiable et de tout contact avec l’extérieur en temps réel.

OJ et Ghost avant la première apparition de l’alien
OJ et Lucky à la fin du film

Enfin, un dernier parallèle qui m’est apparu entre Nope et certains films de Hitchcock est l’utilisation symbolique des couleurs noire et blanche. Cela se manifeste principalement, dans le film de Jordan Peele, par un contraste marqué entre la couleur blanche du cheval mis en valeur dans les scènes initiales, et celle, noire, du cheval présent et monté par le héros la fin.
Dans les premières scènes, Ghost, le cheval que l’on voit beaucoup aux côtés d’OJ, celui qui avait été blessé par une clé fichée dans son arrière-train lors de l’accident qui a causé la mort d’Otis Senior, est blanc. Son nom, d’ailleurs, peut suggérer sa couleur, tout aussi bien que le sort qui lui est réservé, incertain après qu’il s’est enfui dans la nuit, ou encore, ironiquement, le rôle de rappel permanent du traumatisme d’OJ qui n’a pu sauver son père du sort fatal qui l’attendait. Comme le suggère la clé qui l’avait blessé, c’est bien Ghost qui « ouvrira la porte » aux événements mystérieux, sa disparition dans la profondeur de la nuit coïncidant avec la première et furtive apparition de la créature céleste. Nulle trace de lui par la suite, une fois que le train des péripéties est lancé sur ses rails.
A partir de là, bien qu’il eût été présent également au début lors de la scène de tournage dans les studios, c’est Lucky, le bien nommé cheval noir, qui sera le compagnon de fortune d’OJ. On pourrait interpréter de plusieurs façons ce choix d’un cheval à la robe sombre pour traverser les épreuves qui incombent au jeune Haywood : contrepoint volontaire avec la symbolique traditionnelle du sauveur sur son blanc destrier ? Meilleure visibilité, purement pratique donc, dans les paysages en plan d’ensemble ? Alter ego du personnage principal qui s’épanouit, jusqu’au salut et à la liberté finale, dans son identité noire ?

Ouverture de « Psychose » : Marion Crane en blanc
En tenue sombre quelques minutes après

Force est de constater que, dans Psychose encore, le personnage pivot de l’intrigue, Marion Crane, elle aussi présente au début du film seulement — puisqu’elle se fait très vite assassiner dans la fameuse « scène de la douche » et que tout le reste du film consiste en une enquête cherchant à comprendre sa disparition — subit une rapide mais efficace révolution chromatique. Entre l’ouverture, où, employée modèle et angélique d’une agence immobilière, elle se voit confier une grosse somme d’argent à remettre à la banque, et les scènes suivantes, dans lesquelles, tentée, elle a décidé de s’enfuir avec l’argent, sa tenue — jusqu’aux sous-vêtements ! — passe du blanc au noir, ou du moins au sombre. Certes son histoire s’interrompra bien vite, mais Hitchcock utilise bel et bien le noir et blanc comme signe de l’évolution de son personnage.
A nouveau, le rapprochement me paraît le plus évident avec Psychose, mais on peut en trouver d’autres occurrences, comme dans L’Inconnu du Nord-Express, par exemple. Inspiré par la puissance des images hitchcockiennes, Jordan Peele semble avoir adopté ce procédé pour signifier le cheminement, voire le progrès de son protagoniste, en inversant l’échelle de valeur blanc-noir pour parer le sombre d’une connotation positive, à rebours de la tradition occidentale.

Photogramme d’une scène du film « Close Encounters » / « Rencontres du troisième type », de Spielberg

Par ailleurs, l’héritage spielbergien est également assez manifeste. De par la thématique d’abord, Steven Spielberg ayant notamment marqué l’histoire du cinéma par deux grands films cultes, désormais étalons absolus du genre, de rencontre entre les humains et l’univers extraterrestre : Rencontres du troisième type et E.T. L’extraterrestre.
La simple existence de ces deux productions ne serait évidemment pas suffisante pour établir un lien avec le film de Jordan Peele, ce genre étant devenu au fil des décennies une catégorie à part entière. Cependant certaines images ne peuvent manquer d’en appeler d’autres à notre mémoire.

Le poing serré de Ricky sur le point de « checker » celui du chimpanzé Gordy, sur le point d’être abattu.

Je pense bien sûr au « check » manqué entre le chimpanzé Gordy et le jeune Ricky, dans les scènes où le spectateur est projeté dans le souvenir traumatisant de Ricky « Jupe » Park sur le plateau de la série dans laquelle il tournait enfant. Alors que le chimpanzé vient de massacrer plusieurs membres du casting et n’a plus personne sous la main sur qui passer sa rage, il repère le jeune Ricky caché sous une table du plateau. Le singe s’approche lentement de l’enfant, nous laissant dans l’expectative quant à son geste imminent. Étonnamment, lorsqu’il est à quelques centimètres de l’enfant, devant la table, l’animal tend la patte comme pour effectuer le « check » pour lequel il a été longuement dressé, avant d’être froidement abattu par un personnage en hors-champ. Ce rapprochement physique entre les deux poings serrés de deux espèces différentes, filmé en caméra externe, comme « de profil », dans un film où intervient un élément alien, fait immédiatement converger nos pensées vers une des images les plus fortes, qui a d’ailleurs été utilisée pour son affiche, du film E.T. L’extraterrestre de S. Spielberg.

Détail de l’affiche du film « E.T. », de Spielberg : le doigt de l’extraterrestre, à gauche, touche celui d’Elliot.

Une autre image évoque fortement le cinéma de Spielberg, et plus particulièrement Rencontres du troisième type : les masques d’extraterrestres portés par les enfants Park lorsque ceux-ci s’infiltrent de nuit dans le ranch pour effrayer les frère et sœur Haywood, après que Emerald a volé le cheval de bois à leur père, Ricky. En effet, si la manière de filmer cette scène, pleine de tension, tout en ombres et en hors-champ, ressemble vraiment à celle du Shyamalan de Signes ou du Village — un autre cinéaste présent pour un hommage en filigrane dans Nope, nous y reviendrons —, l’apparence des petits bonshommes, dont nous découvrons quelques secondes plus tard qu’ils ne sont que des déguisements, est vraiment similaire à celle de ceux qui descendent de leur vaisseau à la rencontre des humains dans Close Encounters. On retrouve ces petits visages aliens, blanchâtres, en forme de triangles inversés, dotés de grands yeux noirs, plus tard, sur le kiosque de vente de goodies qui trône aux abords de l’arène du parc à thèmes dans laquelle Ricky s’apprête à dévoiler son tout nouveau « spectacle », le « Lasso Star Experience ».
Vous pouvez aussi trouver en ligne plusieurs articles qui rapprochent le film de Jordan Peele des Dents de la mer, du même Steven Spielberg, comme celui-ci.

Le kiosque de goodies sur les côtés de l’arène du « Star Lasso Experience »
La maison de la famille Hess dans « Signes »
Un plan sur les nuages lors du générique de « Phénomènes »

Dans la cinéphilie plus moderne, on peut aussi voir des similitudes assez marquées, comme évoqué plus haut, entre Nope et les films de M. Night Shyamalan, notamment Signes bien sûr, mais aussi Phénomènes par exemple. Dans ces deux films du réalisateur d’origine indienne, on retrouve le topos de la fameuse maison isolée, lieu de l’installation d’une entité prédatrice : celle du pasteur et de sa famille dans Signes, cerclée par les étendues de champs de maïs, et celle de la vieille femme qui accueille les protagonistes dans Phénomènes, elle aussi perdue au milieu des prairies et des terres agricoles. On en trouve également une occurrence dans The Visit, et ce n’est sans doute pas la dernière que l’on pourrait citer.
Mais au-delà de ces ressemblances, ainsi que d’un goût marqué pour le hors-champ et les gros plans expressifs, le motif commun qui m’a le plus frappée entre Nope et le cinéma de Shyamalan est la focalisation insistante sur le ciel et les nuages. La menace vient du ciel et la caméra le montre bien. Il faut ici rendre à César ce qui lui appartient, et rappeler que cette remarque que je vous fais n’aurait pu être possible sans les vidéos de la chaîne Youtube « La Théorie de Graham », et plus particulièrement celle-ci, dans laquelle il nous est expliqué un lien possible entre les films Signes et Phénomènes. On se rend alors compte de l’importance des plans de ciel nuageux, apparemment calmes, comme potentiels instruments de dissimulation de vaisseaux aliens.
Cette exacte idée est reprise par Jordan Peele ; il va même jusqu’à la faire expliciter par ses personnages qui, grâce à leur installation de caméras de surveillance, comprennent que ce qu’ils pensent être une « soucoupe volante » se cache derrière un nuage : en passant un accéléré du ciel qu’ils ont filmé plusieurs jours durant, ils se rendent compte que l’un d’entre eux, massif, n’a pas bougé du tout, alors que tous les autres se déplacent autour et filent vers le lointain.

Focalisation sur la chaussure dans la scène du massacre par le chimpanzé dans « Nope »

Il y aurait encore de bien nombreuses choses à dire, sur les héritages multiples et variés que Jordan Peele a faits siens, et auxquels il semble avoir voulu rendre hommage dans Nope.
Dans le plan centré sur la chaussure qui paraît tenir debout toute seule au milieu du plateau de tournage, lors du souvenir traumatique de Ricky, je vois comme une réminiscence de la toupie qui ne tombe jamais dans le monde des rêves d’Inception, de Christopher Nolan, ou encore une forme similaire au vaisseau extraterrestre, qui lui aussi lévite comme par magie à la verticale, du sublime film Premier Contact, de Denis Villeneuve.

La pop culture, de manière générale, et notamment la culture japonaise, semble enfin irriguer l’imaginaire de Jordan Peele, qui n’a pas hésité à confirmer, par exemple, le plaisir qu’il avait pris à reproduire en live action une image très connue du manga Akira (sur lequel je ne passerai pas plus de temps puisqu’il m’est pour l’instant étranger), lorsqu’Emerald dérape en moto en arrivant dans le parc à thème vers lequel elle a pris la fuite grâce au sacrifice de son frère. On pourra remarquer, dans une scène d’intérieur, lors d’une soirée de beuverie qu’ils passent ensemble, Em et OJ boivent des bières Sapporo, ce qui peut au premier abord paraître surprenant, mais ne l’est plus tant lorsque l’on apprend que le réalisateur a voulu, à travers cette dernière producteur, payer son tribut à l’animation japonaise.
A l’animation, mais peut-être aussi au nouveau cinéma japonais, d’ailleurs ! En ce qui me concerne, en tout cas, j’ai également beaucoup pensé aux derniers films de Kiyoshi Kurosawa lors de mon visionnage de Nope. Car le réalisateur japonais aime aussi à explorer, comme dans Vers l’autre rive ou dans son diptyque Shokuzai, la thématique du deuil et du traumatisme, qui sous-tendent toutes deux également le film de Peele. C’est aussi, et principalement, à ses films Avant que nous disparaissions et Invasion qu’il est difficile de ne pas faire référence ici : histoires d’entités invisibles extraterrestres qui prennent possession du corps des humains et les transforment, dans une société qui perd ses « concepts » fondamentaux, et donc, ses repères essentiels pour faire communauté. Il s’agit ici aussi d’un prédateur alien qui exploite les failles humaines et une société gangrénée pour chasser et se nourrir.

Emerald : incarnation de la pop culture

Ainsi, si certains clins d’œil sont plus évidents que d’autres, on ne peut néanmoins nier qu’en réalisant Nope, Jordan Peele a souhaité, en plus d’un grand divertissement et d’une réflexion symbolique sur la société de spectacle — dont je vous parlerai peut-être dans un prochain article… —, faire une révérence, parfois discrète, parfois manifeste, aux réalisateurs et films qui ont contribué à former son imaginaire personnel.

J’espère que cet article vous a intéressé.e.s et vous dis « à bientôt » pour de nouvelles lectures cinéphiles ou culturelles !

Salomé

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